L’œuvre de Sade, qui n’avait jamais été revisitée par la danse, devient entre les mains des deux chorégraphes un théâtre du corps souverain.
Deux artistes de renom ont collaboré à cette pièce : Alain Delon, qui prête sa voix à la pièce, mais aussi Laurent Garnier, qui avec brio fusionne le baroque et son style sophistiqué aux atmosphères sonores et angoissantes de la prison. Enfermé dans l’asile de Charenton, Sade, qui ne s’exprime qu’à travers les mots, observe le rituel immuable des fous réinventé chaque jour sous ses yeux. Obéissant à la pulsion d’écrire pour survivre. Il fait de son incarcération le moteur de sa liberté de créer.
La chorégraphie déploie l’incroyable énergie des aliénés et la puissance de leur imaginaire.
Leur corps offert au regard de l’écrivain n’est jamais déchu de son humanité : quand naît le désir, il est mode latent de conscience.
Refusant le jeu d’une esthétique distanciée, cette pièce est un corps à corps avec la véritable nature de l’homme.
La danse, nous entraînant dans l’univers baroque, revisite le ballet de cour et la tragédie en musique. A chaque scène les corps exultent ou s’affrontent. Seul le couple, que Marie-Claude Pietragalla et Julien Derouault interprètent, dans un duo lyrique et désespéré échappe un instant à cette folie par la fusion faite d’amour et de peur, pendant que les corps se reprennent et se perdent dans une spirale infinie.
Les mouvements se développent en exagération, multipliant les effets dramatiques, la tension des corps, l’exubérance. La théâtralisation des scènes compose une Commedia dell’arte où la perception joue avec l’illusion, le drame avec les facéties. Les interprètes poussent à leur paroxysme l’inconstance et la complexité des rapports humains, passant d’une palette de sentiments à une autre. Tour à tour victimes et bourreaux, ils sont plongés dans la confusion du monde qu’ils engendrent.